Double Entendre
C'est donc aux alentours de minuit que la dame Fabienne Franseuil et moi nous retrouvâmes en tête à tête dans sa tanière en ce samedi soir. J'enchaine les baillements incontrôlables, et donc incontrôlés, tant je suis éreinté et fourbu de la journée riche en rebondissements et en émotions que je viens de vivre. D'un commun accord, nous redisposons les matelas en position stratégique et nous tamisons, puis éteignons les lumières. Allez savoir pourquoi, mais il fait chaud, très chaud à Paris ce soir du 24 septembre... On s'effeuille un peu plus que la veille tout en restant décents.
Dans la pénombre, les sujets affleurent à nouveau... Peut être un peu plus intimes, peut être un peu moins sur la défensive que la veille... Le vernis craque un peu, et la fatigue et le bien être font baisser peu à peu les défenses émotives du baron de Senquisse... Je m'ouvre un peu plus qu'à mon habitude, et dame Franseuil fait de même, assise non loin de moi. Les sujets s'enchaînent à nouveau, mais sur un rythme moins soutenu, plus suave et tranquille. Le temps n'est plus un ennemi et la pénombre me grise un peu.
Soudain une idée germe en choeur en elle et en moi. Elle ose proposer tout haut ce que je pense tout bas : puisque nous sommes tous les deux des lettrés, des écrivains invétérés, et que je suis moi même en train de finir mon premier roman, elle suggère une écriture en commun, me proposant de se glisser entre les couvertures de mon livre. J'accepte avec joie, et nous continuons à discuter de choses et d'autres en réfléchissant à un thème d'écriture pour ce chapitre particulier. Fabienne Franseuil étant gauchère, sa main gauche et ma main droite travaillent de concert pour coucher sur le papier quelque bribe scénaristique.
Après quelques hésitations sur le fond et la forme, le petit texte prends forme et ma main gauche, à l'italienne, brosse le portrait d'une chevelure longue et sauvage, afin de poser les bases du récit. Dame Franseuil semble apprécier cette idée classique mais présentée avec originalité, et se rapproche du thème retenu pour nos élans lettrés. La fatigue tendant son voile de brûme sur notre style habituel, nous nous relisons l'un l'autre au fur et à mesure de l'écriture, révisant en pratique les subtilités du travail de la langue française. C'est avec harmonie que l'on se complète et se corrige au fur et à mesure que les mots commencent à noircir la page. Fabienne joue avec la langue en alternant verve sauvage et abandon, je parsème le récit avec de coquins jeux de mots et de langue, pleins de double entendre.
Le jeu se pimente un peu et l'on se frotte plus vigoureusement à l'harmonisation de nos écritures différentes. C'est avec une surprenante énergie que nous continuons l'ouvrage, vu l'heure tardive et la fatigue sus-citée et pourtant comme effacée par la vigueur à laquelle nous nous adonnons à cet exercice de style. Les figures de style, justement, sur lesquelles insiste continuellement mon professeur de littérature, sont insérées à ce moment dans le plan un peu chaotique du texte afin de lui donner quelque profondeur supplémentaire. C'est à pleines dents que je croque dans le vif du sujet, surprennant un peu Fabienne qui cherche à eviter un texte trop lourd de sens et qui décide de contrebalancer mes crocs littéraires par quelques envolées éthérées de sa plume pudique et Sans Prétention. Je caresse du bout des doigts le texte qu'elle couche sur le papier, étant plus que jamais émerveillés par la grâce littéraire de la dame-oiselle.
Par un amour commun des jeux de mots et de sons (nous sommes tous deux fans de Peyrusse), ce sont surtout des alitérations qui ponctueront ce texte à quatre mains. Nous en rajoutons ça et là dans le texte, dans tous les sens. L'un de mes doigts commence à s'engourdir et par précaution, Fabienne sort comme par magie un pansement Hansaplast de sa pharmacie afin de prévenir toute blessure. Tout rengaillardi, j'insère alors ma verve littéraire incisive entre les lignes plus douces de mon hôte, pour augmenter le contraste et les sensations du lecteur. Nous avons au final écrit ensemble pendant plusieurs heures puis, mutuellement satisfaits du travail accompli, après avoir bu des litres d'eau et retiré le pansement, nous nous assoupissons tranquillement l'un contre l'autre sans même se rendre compte que nous avions franchi là une frontière.
Au petit matin, Fabienne Franseuil était dans mes bras lorsque je me suis éveillé. Elle m'avait avoué la veille m'avoir regardé dormir, je lui rends la pareille un petit instant, puis je la réveille doucement. Jeune lecteur, jolie lectrice, malgré les papillons diurnes de ma vie dissolue, cela faisait près de deux ans que je ne m'étais pas éveillé avec quelqu'un dans les bras, et cela m'a fait un bien fou. La dame Franseuil étant réveillée, et l'heure de mon départ étant programmée pour ce jour, nous décidons après cette nuit de repos d'effectuer une relecture orale du texte écrit en commun la veille au soir. C'est un texte tendre, fort, osé et intimiste... La fatigue ayant baissé nos défenses mutuelles, il y a dans ce texte des morceaux d'elle et de moi un peu trop intimes pour que je puisse vous le recopier ici. Mais le résultat est vraiment plaisant à relire, et je ne me lasse pas d'y repenser depuis mon retour.
Alors quel sera le futur de ce texte ? Oeuvre d'art éphémère, ou prémisces d'une collaboration plus soutenue... Une nouvelle à quatre mains ? Un roman ? Une tétralogie ? Difficile à dire si peu de temps après la rédaction. Mais quel que soit l'avenir de ce texte, il sera impossible pour elle comme pour moi de le continuer en solitaire. Ce genre d'histoire à quatre mains ne prends sa profondeur que dans un travail en commun des deux auteurs, et je suppose que nous aurons le temps d'y revenir plus avant avec Fabienne. En tout cas c'est un excellent souvenir, et une fort belle prestation littéraire...
Après quelques heures passés ensemble à ne faire rien d'autre que profiter l'un de l'autre avant l'heure du retour, nous nous sommes mis en route vers la gare de l'Est où m'attendait mon train retour. Après avoir composté mon ticket, je suis rentré à Metz en oubliant derrière moi ma belle canne d'ébène, et un petit bout de mon coeur, oh, pas bien gros, vous savez, ces bouts de coeur un peu fragiles que l'on éparpille toujours un peu derrière soi lorsqu'on se frotte d'un peu trop près à une personne agréable... J'ai dû serrer Fabienne Franseuil un peu trop fort avant de la quitter sur le quai de la gare. Je compte bien qu'elle me rende ma canne lors de notre prochaine rencontre. Le petit bout de coeur, elle peut le garder, si parfois c'est une tare d'avoir un coeur un peu trop gros, parfois, juste parfois, quand certains morceaux s'écaillent, c'est aussi un petit bonheur. Et en rentrant chez moi, je découvre une nouvelle Vérité :
La distance physique n'a absolument aucun lien avec la distance des mots, et du coeur...
La citation du jour : "On veut la suite, monsieur"
La chanson du jour : Les deux mains prises, Maxime Le Forestier, "Mo valise dans une main, L'autre autour de ta taille, De mes doigts sur tes reins, Je t'écrirais en braille Bye bye..."
Même si on ne peut pas écrire tout un roman en un seul week-end, la vie est belle !
Dans la pénombre, les sujets affleurent à nouveau... Peut être un peu plus intimes, peut être un peu moins sur la défensive que la veille... Le vernis craque un peu, et la fatigue et le bien être font baisser peu à peu les défenses émotives du baron de Senquisse... Je m'ouvre un peu plus qu'à mon habitude, et dame Franseuil fait de même, assise non loin de moi. Les sujets s'enchaînent à nouveau, mais sur un rythme moins soutenu, plus suave et tranquille. Le temps n'est plus un ennemi et la pénombre me grise un peu.
Soudain une idée germe en choeur en elle et en moi. Elle ose proposer tout haut ce que je pense tout bas : puisque nous sommes tous les deux des lettrés, des écrivains invétérés, et que je suis moi même en train de finir mon premier roman, elle suggère une écriture en commun, me proposant de se glisser entre les couvertures de mon livre. J'accepte avec joie, et nous continuons à discuter de choses et d'autres en réfléchissant à un thème d'écriture pour ce chapitre particulier. Fabienne Franseuil étant gauchère, sa main gauche et ma main droite travaillent de concert pour coucher sur le papier quelque bribe scénaristique.
Après quelques hésitations sur le fond et la forme, le petit texte prends forme et ma main gauche, à l'italienne, brosse le portrait d'une chevelure longue et sauvage, afin de poser les bases du récit. Dame Franseuil semble apprécier cette idée classique mais présentée avec originalité, et se rapproche du thème retenu pour nos élans lettrés. La fatigue tendant son voile de brûme sur notre style habituel, nous nous relisons l'un l'autre au fur et à mesure de l'écriture, révisant en pratique les subtilités du travail de la langue française. C'est avec harmonie que l'on se complète et se corrige au fur et à mesure que les mots commencent à noircir la page. Fabienne joue avec la langue en alternant verve sauvage et abandon, je parsème le récit avec de coquins jeux de mots et de langue, pleins de double entendre.
Le jeu se pimente un peu et l'on se frotte plus vigoureusement à l'harmonisation de nos écritures différentes. C'est avec une surprenante énergie que nous continuons l'ouvrage, vu l'heure tardive et la fatigue sus-citée et pourtant comme effacée par la vigueur à laquelle nous nous adonnons à cet exercice de style. Les figures de style, justement, sur lesquelles insiste continuellement mon professeur de littérature, sont insérées à ce moment dans le plan un peu chaotique du texte afin de lui donner quelque profondeur supplémentaire. C'est à pleines dents que je croque dans le vif du sujet, surprennant un peu Fabienne qui cherche à eviter un texte trop lourd de sens et qui décide de contrebalancer mes crocs littéraires par quelques envolées éthérées de sa plume pudique et Sans Prétention. Je caresse du bout des doigts le texte qu'elle couche sur le papier, étant plus que jamais émerveillés par la grâce littéraire de la dame-oiselle.
Par un amour commun des jeux de mots et de sons (nous sommes tous deux fans de Peyrusse), ce sont surtout des alitérations qui ponctueront ce texte à quatre mains. Nous en rajoutons ça et là dans le texte, dans tous les sens. L'un de mes doigts commence à s'engourdir et par précaution, Fabienne sort comme par magie un pansement Hansaplast de sa pharmacie afin de prévenir toute blessure. Tout rengaillardi, j'insère alors ma verve littéraire incisive entre les lignes plus douces de mon hôte, pour augmenter le contraste et les sensations du lecteur. Nous avons au final écrit ensemble pendant plusieurs heures puis, mutuellement satisfaits du travail accompli, après avoir bu des litres d'eau et retiré le pansement, nous nous assoupissons tranquillement l'un contre l'autre sans même se rendre compte que nous avions franchi là une frontière.
Au petit matin, Fabienne Franseuil était dans mes bras lorsque je me suis éveillé. Elle m'avait avoué la veille m'avoir regardé dormir, je lui rends la pareille un petit instant, puis je la réveille doucement. Jeune lecteur, jolie lectrice, malgré les papillons diurnes de ma vie dissolue, cela faisait près de deux ans que je ne m'étais pas éveillé avec quelqu'un dans les bras, et cela m'a fait un bien fou. La dame Franseuil étant réveillée, et l'heure de mon départ étant programmée pour ce jour, nous décidons après cette nuit de repos d'effectuer une relecture orale du texte écrit en commun la veille au soir. C'est un texte tendre, fort, osé et intimiste... La fatigue ayant baissé nos défenses mutuelles, il y a dans ce texte des morceaux d'elle et de moi un peu trop intimes pour que je puisse vous le recopier ici. Mais le résultat est vraiment plaisant à relire, et je ne me lasse pas d'y repenser depuis mon retour.
Alors quel sera le futur de ce texte ? Oeuvre d'art éphémère, ou prémisces d'une collaboration plus soutenue... Une nouvelle à quatre mains ? Un roman ? Une tétralogie ? Difficile à dire si peu de temps après la rédaction. Mais quel que soit l'avenir de ce texte, il sera impossible pour elle comme pour moi de le continuer en solitaire. Ce genre d'histoire à quatre mains ne prends sa profondeur que dans un travail en commun des deux auteurs, et je suppose que nous aurons le temps d'y revenir plus avant avec Fabienne. En tout cas c'est un excellent souvenir, et une fort belle prestation littéraire...
Après quelques heures passés ensemble à ne faire rien d'autre que profiter l'un de l'autre avant l'heure du retour, nous nous sommes mis en route vers la gare de l'Est où m'attendait mon train retour. Après avoir composté mon ticket, je suis rentré à Metz en oubliant derrière moi ma belle canne d'ébène, et un petit bout de mon coeur, oh, pas bien gros, vous savez, ces bouts de coeur un peu fragiles que l'on éparpille toujours un peu derrière soi lorsqu'on se frotte d'un peu trop près à une personne agréable... J'ai dû serrer Fabienne Franseuil un peu trop fort avant de la quitter sur le quai de la gare. Je compte bien qu'elle me rende ma canne lors de notre prochaine rencontre. Le petit bout de coeur, elle peut le garder, si parfois c'est une tare d'avoir un coeur un peu trop gros, parfois, juste parfois, quand certains morceaux s'écaillent, c'est aussi un petit bonheur. Et en rentrant chez moi, je découvre une nouvelle Vérité :
La distance physique n'a absolument aucun lien avec la distance des mots, et du coeur...
La citation du jour : "On veut la suite, monsieur"
La chanson du jour : Les deux mains prises, Maxime Le Forestier, "Mo valise dans une main, L'autre autour de ta taille, De mes doigts sur tes reins, Je t'écrirais en braille Bye bye..."
Même si on ne peut pas écrire tout un roman en un seul week-end, la vie est belle !
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