Conservateur des traditions de 6h35
Le réveil qui sonne, presque toujours à la même heure, et mes yeux qui s'ouvrent à cette heure juste avant qu'il ne sonne, même si j'ai changé l'heure et qu'il faut que je les referme...
Main gauche qui se tends pour couper l'alarme du portable, et mon esprit embrumé qui se dit qu'il essaierais bien le simulateur d'aube. Main droite qui se tends pour attraper mes lunettes Lennon et me les enfiler avant d'ouvrir les yeux, pour ne pas me sentir infirme dans un monde flou. Me rendre compte que mes yeux encore embués de sommeil sont tout de même flou...
Toujours le même rituel. Mon corps qui se roule dans mon lit à deux places et s'extrait de sa bulle. D'abord le pied droit, pour les sourires. Puis le gauche. Puis le pied droit dans le chausson droit, et le pied gauche dans le chausson gauche. Démarche lente mais assurée dans le couloir.... Je suis persuadé que si les semelles de mes chaussons laissaient des marques indélébiles, on pourrait s'apercevoir que mes pas sont toujours posés à la même place.
Délestage rituel de quelques décilitres de liquide superflu. Ouvrir la porte de la salle de bains de la main gauche. Retirer la serviette du porte serviette. Placer l'autre serviette aux pieds de la douche. Placer le peignoir à la place de la première serviette. Attacher mes cheveux, ou pas. Retirer mon pendentif et mes lunettes et mon caleçon qui part au linge sale. Allumer la douche et me noyer un peu sous l'eau chaude... Du gel parfumé sur chaque centimetre carré de ma peau, toujours dans le même ordre.
C'est toujours le même rituel. Faire la moue, un peu, en coupant la pluie tiède. Nettoyer les chromes avec une éponge. Nettoyer la cage avec une raclette pour éviter les traces de calcaire, alors que le corps se refroidit un peu. Sortir de la douche et s'emmitouffler dans son peignoir chauffé, quelques egrés de plaisir sur mon corps et mon coeur froids. Remettre mon pendentif jusqu'au lendemain matin.
Démarche nonchalante vers la cuisine. Le bol sur le plateau, les céréales dans le bol, un petit paquet de biscuits à coté du bol, la cuillère dans le bol, la serviette à côté, le lait dans les céréales. Plateau dans la main gauche, rejoindre mon Vaio et l'allumer de la main droite. Poser le plateau, s'assoir. Regarder les spams et les emails. Les blogs et les webcomics, deux explorateurs, un par catégorie, chaque catégorie dans le même ordre quotidien. Puis fermer la fenetre des webcomics et regarder les blogs à lecture hebdomadaire du jour en cours. Mâcher mes céréales ramollies d'un geste machinal, avec les mains mais sans les yeux. Surfer un peu selon les thèmes qui ont attiré mon attention dans ce qui a précédé.
Puis descendre m'habiller, et le rituel s'achève avec le choix de mes chaussettes et de mon caleçon. Première goutte de changement dans ma journée, introduction de la théorie du chaos dans un système non euclidien. Et tout en restant de droite, le chaos qui rythme ma vie et mes pensées reprends son dû sur mon âme. Ma journée devient singulière grâce au choix de mes sous-vêtements.
Je ne suis jamais tant de droite que les matins à partir de 6h35. Mais parfois, le rituel est rompu un peu plus tôt, un peu plus tard. Quand le réveil n'a pas la même heure. Ou quand je suis pris d'une subite envie de blogger à 6h35 du matin après une nuit exécrable. Ce matin j'écris ces lignes entre les mails et les blogs. Un petit mai 68 devant mon écran. Une révolution qui sera contenue dès demain matin, 6h35.
C'est toujours le même rituel. Mon corps qui se roule dans mon lit à deux places et se voit confirmé, encore, que même s'il a partagé du sexe la veille, quand il se réveille, il est seul.
La citation du jour : "Bon, je suis au Luxembourg, alors tu me laisse te rappeler s'il te plait ?"
La chanson du jour : Salut les amoureux, Miossec (after Joe Dassin), "Les matins se suivent et se ressemblent"
Même si c'est un peu triste de ne remplir qu'une place dans un lit qui en a deux, la vie est belle !