Il y a un peu plus d’un an, lors d’un dîner Mensa, l’un des sujets de conversation a dérivé sur les « power-siestes » actuellement très en vogue outre Atlantique. Le principe est de booster la productivité des cadres (principalement) en insérant dans leur rythme de travail des siestes courtes dans une ambiance adéquate pour un regain de tonus et de concentration meilleur qu’une simple pause café. Il y a d’ailleurs de plus en plus de « sleeping rooms » dans les grandes entreprises de New York, ainsi que des offres commerciales proposant des lieux où dormir 20 à 30 minutes dans une atmosphère relaxante avec huiles aromatiques diffusées dans la pièce et musique douce ou New-Age.

La discussion a rapidement dérivé sur les méthodes de sommeil alternatives. C’était mon premier contact avec le sommeil polyphasique. Le principe est (en gros) de segmenter son repos en plusieurs fois, afin d’apprendre à son corps ce nouveau rythme pour qu’il tombe plus rapidement dans les phases réparatrices du sommeil et perde moins de temps dans les phases « inutiles » du sommeil, celles où l’on se tourne et se retourne sous la couette en comptant les moutons ou à ronfler dans un état second sans vraiment avoir d’effets positifs sur le corps ou l’esprit. Le but avoué d’un tel rythme étant de gagner 2, 3, 4, voire jusqu’à 5 heures sur son temps de sommeil classique.

Pour peu que vous me connaissiez un minimum, vous comprendrez aisément que ce concept m’a littéralement fasciné, moi qui suis toujours à courir après le temps libre et le temps productif (vivre sans temps mort !). Néanmoins, si la graine était plantée, elle aura mis un certain temps à germer.

Il y a un peu plus d’un mois, j’ai de nouveau été mis face à face avec le sommeil polyphasique deux fois de suite en moins d’une semaine, tombant de clic en clic sur un blog d’une personne racontant son expérience avec un tel rythme, et sur un article laconique mais élogieux dans un numéro du magazine Project (un très bon magazine sur iPad, soit dit en passant). C’était un signe pour moi que la graine était prête à germer.

La fascination pour le concept étant toujours aussi grande en moi, j’ai passé plusieurs heures à me balader de sites en sites sur le sujet, étudiant les divers rythmes à succès, notant avec intérêt les effets secondaires indésirables de chacun.

La méthode la plus séduisante en termes de temps était la méthode Uberman. S’affranchissant totalement de toute période longue de sommeil pour un planning polyphasique total, a l’instar de certains astronautes ou navigateurs de l’extrême cette méthode remplace la « nuit » de sommeil par un rythme continu : quatre heures de veille, vingt minutes de sommeil, quatre heures de veille, vingt minutes de sommeil, etc. Non stop. Au final, votre nuit de sommeil de 6 à 8 heures est remplacée par environ deux heures de sommeil effectif toutes les 24 heures, pour un bénéfice égal pour le corps qui – après une période d’adaptation très rude d’une dizaine de jours en mode « zombie » voire « hallucinations » – comprend qu’il aura moins de temps pour se régénérer et passe directement en mode sommeil REM (Rapid Eye Movement), celui dont le corps a le plus besoin, dès le mode « dodo » enclenché.

Si le gain de temps par jour est absolument phénoménal (cinq heures par jour, trente-cinq heures par semaine !) le défaut principal de la méthode Uberman est que le timing des siestes doit être maintenu ad lib de manière draconienne. Toute période de veille dépassant quatre heures vous met apparemment dans un état second comme si vous aviez passé une nuit blanche. Un tel rythme aurait été désastreux pour ma vie sociale (quid des sorties resto-ciné, des parties de jeux de rôles, des après-midi en amoureux, etc.) et aurait finalement gâché tout le bénéfice des heures gagnées.

Et puis j’ai découvert les différentes variantes de la méthode Everyman, appliquant un sommeil polyphasique mais conservant une sieste un peu plus longue de nuit. Le nombre d’heures de sommeil inutile gagnées est moindre, mais néanmoins tangible, et les inconvénients sont eux nettement moins insurmontables (en gros, la période d’adaptation du corps est plus longue que pour Uberman, mais moins violente, et si les siestes journalières restent essentielles pour ne pas passer en mode « zombie », leur timing offre plus de souplesse et de latitude en pouvant être décalées d’une à deux heures en cas de besoin).

Après de nombreux jours à tourner autour du pot et à peser le pour et le contre, j’ai finalement décidé de tenter l’expérience. Je ne sais pas si ce sera complètement positif, ni même si je continuerai sur ce rythme indéfiniment, mais je sais que si je n’avais pas tenté cette expérience, je m’en serais voulu toute ma vie. Depuis bientôt 48h maintenant donc, je suis passé en sommeil polyphasique sur un rythme « Everyman 3 ». C’est à dire que ma « nuit » de sommeil ne dure plus que trois heures (de 2h du matin à 5h du matin) et que je segmente ma « journée » en quatre avec trois siestes de vingt minutes. Au total, je n’ai plus que quatre heures de sommeil effectif par période de 24h (contre une moyenne de 6h30-7h auparavant).

Je vous tiendrai au courant de l’évolution de ce rythme si j’arrive à le maintenir. Si j’en crois les blogs sur le sujet, ce sont les deux premières semaines qui sont les plus difficiles, et les premiers jours où il est le plus dur de se lever (je confirme : si je n’ai eu aucun problème à me lever à 5h hier matin, ce matin mon cerveau a buggé et je ne me suis levé qu’à 6h, grrr). Pour l’instant je ne ressens aucune fatigue excessive (mais bon, une heure de rab’ ce matin c’est tricher, et puis je n’avais pas de sommeil en retard quand j’ai commencé ce rythme) en revanche je vois déjà le gain de temps phénoménal. En termes de loisirs et de travail, j’ai l’impression d’avoir travaillé et lu deux jours au lieu d’un hier. Espérons que l’euphorie du gain de temps me permette de passer la période difficile.

Statistiquement, il n’y a que 25% des gens qui tentent le rythme Everyman qui réussissent à l’implémenter avec succès. Si je suis de ceux là, ce sera pour moi une grande victoire sur mon temps de vie !

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La citation du jour: « Et ce matin ? Levé comme prévu ? »
La chanson du jour: Mon manège à moi, Etienne Daho, « Tu me fais tourner la tête »

Même si j’ai perdu une heure ce matin, la vie est belle !