Au cas où certains d’entre vous se réveilleraient à peine d’une cuite épique du réveillon de la Saint Sylvestre, nous sommes en 2012.

Au cas où certains d’entre vous reviennent à peine d’un exil en ermite au fin fond d’une cave, et découvrent à leur retour Internet et mon blog, 2012 est l’année des présidentielles, aux Etats-Unis, certes, en Novembre prochain, mais surtout en France.

Bien que j’aie relativement calmé le jeu au niveau des articles vaguement politiques (je n’ai jamais été particulièrement « militant » ici), fidèle lecteur, régulière lectrice, tu sais si tu fréquentes ces lieux depuis plusieurs années que mon coeur est à droite (notez que j’ai dit « droite » hein, pas UMP, faut pas confondre, il n’y a aucun parti de droite en France), plutôt libéral mais à petite doses, mais en revanche complètement libertaire. Si le permis de conduire est clairement le facteur numéro un m’ayant fait attendre ma majorité lorsque j’étais mineur (a long time ago, in a galaxy far far away…), le combat au finish a été serré avec le numéro deux, ma carte d’électeur. Depuis l’obtention de cette carte il y a bientôt quinze ans, j’ai suivi religieusement tous les appels au vote, et me suis déplacé pour aller voter même aux élections gagnées (ou perdues) d’avance, même pour celles qui me semblaient insignifiantes. En quinze ans, j’ai manqué en tout et pour tout DEUX élections, et dans les deux cas malgré ma légendaire procrastination ce n’était pas par flemme, c’était par choix « politique » et surtout *MORAL*, et dans les deux cas je m’en suis expliqué ici longuement à l’époque (et pesant dans la balance le fait qu’en France, le vote blanc n’est toujours pas reconnu comme suffrage exprimé, et que RIEN ne change en pratique dans les chiffres nationaux entre un électeur qui vote blanc et un électeur qui reste chez lui, ce qui reste à mon humble avis un scandale). Le fait de voter est important pour moi parce que malgré mon égo sur-dimensionné, je suis convaincu par le régime politique de la Démocratie (même si utiliser ce mot est un abus de langage : nous ne somme pas en « Démocratie » mais en « Démocratie REPRÉSENTATIVE », qui en pratique fonctionne comme une oligarchie assumée).

Sauf que.

Sauf que, en ce moment, j’ai mal au pays. Et je ne suis pas le seul, d’ailleurs. Et ça se voit, même (surtout!) à l’extérieur. Depuis 2006, le brillant magazine The Economist (dont mes anciens élèves, s’ils passent encore dans le coin, doivent bien se souvenir vu le nombre de textes tirés de ce journal sur lesquels je les ai fait bosser!) dresse un indice mondial des démocraties, notées de 1 (Régime autoritaire) à 10 (« Vraie » démocratie), et concernant 167 pays. Actuellement, le pays le moins bien classé est, ô surprise, la Corée du Nord (note de 1,08 / 10) et le mieux classé est la Norvège (9,80 / 10). La France, lors du dernier classement, a été rétrogradée à la 29 ème place, derrière l’Afrique du Sud, et a perdu son rang de « Démocratie » au profit du titre de « Démocratie Imparfaite« . Et ça vois tu, effaré lecteur, étonnée lectrice, ça m’importune beaucoup plus que la perte du AAA dans les agences financières. (source: ici ou encore ici pour les anglophobes)

Le pays, politiquement, va très mal. Système social complètement bancal (Bonne couverture sociale + beaucoup d’impots ça fonctionne, comme en Suède. Peu de couverture sociale mutualisée par l’état + peu d’impôts ça fonctionne, comme aux USA. Bonne couverture sociale + peu d’impôts, on ne voit ça qu’en France à travers le monde et OH SURPRISE ! Ça ne fonctionne pas!!!), régression au quotidien des libertés individuelles, défense des intérêts des lobbys plutôt que de ceux de la culture et du peuple (Hadopi et la tentative de l’exporter, soutien unilatéral du traité ACTA), instauration petit à petit d’un état policier à la limite du totalitarisme (fin de l’indépendance de la Justice, sommée d’obéir aux ordres du ministère, vote dans l’indifférence la plus totale d’un fichier biométrique de 60 millions d’innocents présumés), muselage de la liberté d’expression *ET* de l’art (articles de blogs et commentaires censurés à la demande de ministres, instauration du délit d’outrage au drapeau, filtrage invisible en amont de certains sites forcé aux ISP) bref, ça sent le pâté.

Vous allez me dire : tant mieux ! Bientôt les élections !

Sauf que je ne sais pas si vous suivez un peu les médias ou ce qui se trouve dans le panier à salade, mais qu’il y ait ou pas une passation de pouvoir en 2012, nous irons de Charybde en Scylla, les candidats actuellement déclarés étant plus ou moins bonnet blanc et blanc bonnet pour le pays. Si l’UMP (notez que je ne dis pas « la droite » hein. Droite ça veut dire « liberté » en valeur principale, et relisez le paragraphe précédent et ma remarque sur le totalitarisme avant d’essayer de me convaincre sans succès que l’UMP est encore un parti de droite) reste au pouvoir, la probabilité d’avoir une économie A PEU PRÈS stable est raisonnable, mais il y a fort à parier que la pente glissante vers le totalitarisme se transforme en glissement de terrain. Si le PS prend le pouvoir (notez que je n’ai pas dit « la gauche » non plus) le pays court à la ruine économique, et si certaines avancées humaines sont probables (je pense notamment au mariage gay pour lequel la France fait figure de mauvais élève mondial, même si elle n’est pas seule dans ce cas), son candidat a déjà prouvé qu’il se moque des notions d’indépendance et de liberté en ne voulant pas abroger Hadopi et en incluant dans son programme de nombreuses mesures coercitives qui caressent ma fibre libertaire à rebrousse poils.

Et les autres, me direz vous ? S’il est possible, voire probable, que malgré ses nombreuses démonstrations publiques de son incompétence Marine Le Pen se retrouve au second tour, elle ne sera JAMAIS élue. Un ficus rempoté avec un carton « ne votez pas pour moi ! » gagnerait au second tour contre Marine Le Pen. Quant aux « petits » candidats, si certains sont moins terribles que les favoris en course, aucun n’a actuellement le potentiel réaliste d’aller au second tour.

En conséquence de quoi, révulsé par ce que Sarko, Besson, Morano, Pecresse et autres Hortefeux ont fait de l’UMP depuis la fin de l’ère Juppé, écoeuré par les perspectives d’une « Team Hollande » remplie des éléphants du PS et toute aussi esclave des lobbys que l’UMP actuel, je songe sérieusement, délibérément, à ne pas voter en 2012.

Oh, j’irai certainement voter au premier tour. Pour le principe, déjà. Pour un petit candidat, un peu par dépit, sans conviction de le voir passer au second tour. J’aurais probablement voté Borloo si la machine UMP ne lui avait pas fait le coup de la mafia italienne, tuant sa candidature dans l’oeuf. En son absence, je voterai sans doute Villepin ou Bayrou. Mais quelles que soit les configurations de second tour actuellement considérées comme « probables », je ne pense pas que je m’y déplacerai. Un peu comme si on me demandait de choisir entre la mort par éviscération et la mort par suffocation, quoi. Les deux ont la même conséquence et sont toutes aussi douloureuses, alors à quoi bon choisir ? Il n’y a pas de bonne solution. Et ça me bouffe.

Si je vivais seul, tel la noblesse de France à l’aube de l’été 1789, j‘aurais fui. Angleterre, Etats-Unis, voire – plus proche – Luxembourg, tout sauf ici. Mais je suis fiancé et malheureusement – seul et immense point négatif à mon bonheur - l’étoile qui donne de la lumière à mes nuits (c’est beau hein ? Attendri lecteur, émue lectrice, je sais que tu viens aussi ici pour mes jolies métaphores) se retrouve bloquée en France pour ses études (étudier à l’étranger lui fait peur) et il est hors de question que je m’éloigne d’elle. Du coup je me retrouve bloqué dans un pays qui, jour après jour, me révulse de plus en plus, voire commence à me faire PEUR, pour plusieurs années encore, et c’est une douleur permanente *ET* grandissante pour moi, que seul mon amour pour elle rend acceptable. Mais croyez moi que ça me fait mal de payer autant d’impôts quand je vois (et désapprouve) ce à quoi ils servent. On devrait pouvoir être objecteur de conscience fiscal, et refuser de payer l’impôt (et de recevoir toute aide, donnant/donnant) lorsqu’on le trouve mal employé. Mais on ne peut pas, alors je paye.

Mais cette année, au second tour, qu’on ne me demande pas de me déplacer pour choisir entre la peste et le choléra.

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La citation du jour: « Au moins il dort tout le temps, sauf quand il ne dort pas ! »
La chanson du jour: La Mauvaise Réputation, Georges Brassens, « Le jour du Quatorze Juillet je reste dans mon lit douillet. La musique qui marche au pas, cela ne me regarde pas. »

Même si ça fait mal au coeur de me dire que de plus en plus mon pays deviens un pays de merde, la vie est belle !