Depuis ma plus tendre enfance, je rêve de cette ville de la côte est, quintessence de ce que représentent les USA pour moi. Ce multiculturalisme dans sa forme la plus primaire, distillé au compte goutte entre les Américains venus ici depuis tous les Etats, du distant Washington au proche New Jersey, et les autres non-natifs qui ont fait de la grosse pomme leur terre d’adoption, à moyen ou à long terme. En dépit de ce statut de parangon du rêve de liberté, et de nombreux voyages aux États-Unis il y a quelques années lorsque je gravitais de l’autre côté du miroir du monde du jeu, j’avais réussi bien malgré moi à ne jamais y mettre les pieds.

Maintenant que j’y suis, je découvre la ville de manière organique, comme lorsque je m’étais rendu à London en solitaire pour la première fois, refusant tout itinéraire préparé et déambulant de rue en rue au hazard, à l’instinct. Je ne l’ai jamais regretté, et aujourd’hui je connais mieux London et ses recoins que la ville où j’habite la majorité du temps…
New York tiens ses promesses. C’est une ville de constrastes, où un simple changement de rue fait tomber un quartier réservé aux millionnaires en boui-boui insalubre où il vaut mieux ne pas s’aventurer après minuit… Où l’odeur de pisse froide qui te prend à la gorge se transformera soudain en fumet épicé d’un marchand de burritos à la sauvette.
Toujours à l’instinct, je suis tombé sur un bar / salle de concerts live où j’ai dansé avec une jolie blonde au rythme de la voix d’un artiste extrêmement talentueux dont je n’avais jamais entendu parler, j’ai trouvé des magasins de comics, ou d’esotérisme, et passé de nombreuses heures dans des cafés, où je rédige ces mots en ce moment même.

New York est une maîtresse exigeante. Elle est belle, et intense, et exotique, mais telle une escort de luxe, elle marchande ses faveurs à un prix fou. Au moment où j’écris ces lignes, j’ai déjà dépassé mon « budget maximum » de plus de 500 euros, et je suis seulement à la moitié de mon séjour. Tout est cher ici. L’hôtel, la nourriture, les loisirs… et première réelle déception, beaucoup de musées et de centre culturels sont gérés de manière privée, nécessitant un droit d’accès oscillant entre 15 et 30 dollars. Habitué à London et à son accès gratuit à la culture, partout, tout le temps, je me vois ici forcé de faire des choix pour ne pas revenir en France en ayant dépensé en dix jours le budget de toute une année (j’exagère à peine). Je remercie néanmoins la fée Serendipity d’avoir mis sur ma route, au sein de la fantastique bibliothèque/musée Morgan, une exposition merveilleuse sur l’Alice de Lewis Carroll, l’une de mes passions littéraires. Timing karmique.

La Comic Con, raison principale de mon déplacement à cette période, était une entreprise folle, immense, démesurée, géniale, épuisante, et malgré tout terriblement commerciale. J’en garde à la fois un goût doux et amer, des rencontres merveilleuses au milieu d’un mercantilisme transformant le fantastique en salon de l’agriculture. J’en reviens néanmoins des étoiles plein les yeux, quelques originaux en poche, ayant croisé Nathan Fillion, Felicia Day, Seth Green, Alan Tudyk, Marjorie Liu, Chris Claremont, Kieron Gillen, et tant d’autres… Je reviens aussi avec quelques nombrils américains en poche. Oui, impatient lecteur, futur-contributrice lectrice, j’ai bel et bien l’intention de relancer le Nombriloscope

Le moment le plus intense du séjour aura bien évidemment été ma journée sur Liberty Island. Assidu lecteur, fidèle lectrice, tu sais que la liberté est une telle obsession pour moi que j’en fais presque de la rétention anale, pour franciser cette expression anglophone qui m’a toujours fait sourire. Au pied de la Liberté Illuminant le Monde, j’ai posé le genou à terre et versé quelques larmes. Je pense qu’il est difficile de ne pas être touché par le symbole, alors quand il fait écho à une part si importante de mon coeur… C’était un moment intense, oui. Une part de moi ne peut s’empêcher de penser que c’est parce que j’ai un peu trahi cet idéal de liberté qui était le mien avec ce « oui » il y a plus d’un an, que tout s’est si rapidement effondré par la suite. Après une reconstruction difficile, je me retrouve, je la retrouve, et la dame de cuivre vert était un peu aussi le symbole de ce retour vers celui que je suis vraiment, que je n’aurais jamais dû chercher à étouffer. Alors quelques larmes, mais le sourire aux lèvres, devant cette imposante dame offerte au monde, car comme l’a rappelé le ranger qui nous a servi de guide, ni son nom, ni son image ne sont protégés par aucun copyright, « because she belongs to the people of the world. »

A New York, je suis également devenu apprivoiseur (pointilleux lecteur, littéraire lectrice, j’invente toujours des mots si je veux, je suis toujours chez moi, et « dompteur » est trop violent) d’écureuils. Au fur et à mesure de l’empilement de mes dépenses, je passai de moins en moins de temps dans des musées différents chaque jour, et de plus en plus à lire et à absorber l’énergie urbaine de la grosse pomme au sein de ses nombreux parcs et espaces verts. Parmi ceux qui avaient ma préférence, comme le petit mais chaleureux parc de l’Hôtel de Ville, les petits rongeurs du parc ont appris à me connaître et à me reconnaitre, et lors de mes derniers jours sur place, certains des plus téméraires restaient même sur mes genoux pour y grignoter les graines que je leur apportait quotidiennement.

Après un retour mouvementé et un avion annulé, je termine cet article depuis la casa de Senquisse, bien au chaud, ayant dû re-brancher mon chauffage de manière quotidienne dès mon retour, la température moyenne ici étant plus de dix degrés inférieure à celle du doux climat de New York. Je suis rentré la tête pleine d’images et de souvenirs, avec l’impression d’avoir laissé une part de moi-même sur place, mais d’avoir embarqué avec moi un morceau d’elle au moins aussi gros, à la place. Avec une semaine de recul au moment où je m’apprête à publier ces lignes sur le blog, je pense pouvoir dire que si je préfère toujours, et de loin, les USA au Royaume Uni, c’est pour l’instant toujours London qui a ma préférence, dans mon classement intérieur des meilleures villes du monde. Le côté cosmopolite de la grosse pomme, le fait qu’elle ne dorme jamais, et la présence de Lady Liberty ne détrônent pas la chaleur des pubs de Camden et la possibilité d’y entrer seul et de ressortir chaque soir au bras de 5 ou 6 nouveaux amis. Mais New York est clairement très, très proche sur la seconde marche du podium, et ce classement peut être amené à changer, après tout ce n’était que notre première danse, elle et moi. Certainement pas la dernière…

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La citation du jour: « Tu me lis toujours aussi bien »
La chanson du jour: Fire, Noah Gundersen, « Hey, I am looking for freedom in the wild eyes of the dancing girls… Hey, I am looking for freedom in the open arms of America »

Même si elle m’apprend la patience, la vie est belle !