Parodie de la campagne Hadopi PUR

En espérant que cette fois ne devienne pas coutume, je vais faire une entorse à mon article habituel du mercredi (vous retrouverez ma semaine de comics demain, du coup) pour parler un peu de l’un des buzz du moment, en l’occurence la création par la Haute Autorité pour la Diffusion des Oeuvres et la Protection des droits sur Internet (la H.A.D.O.P.I., quoi) du label Promotion des Usages Responsables (le label P.U.R.). Oui, chez la HADOPI, on aime bien les acronymes. Du coup je viens avec mes gros sabots vous expliquer pourquoi soutenir cette initiative serait une idée à la Conséquence Observée Néfaste (une idée à la C.O.N.).

En revanche, il ne s’agit pas de cracher dans la soupe pour de mauvaises raisons : il faut savoir POURQUOI on crache dans la soupe. Si depuis l’annonce du label et des publicités lamentables qui ont été présentées pour le promouvoir les articles sur le sujet pleuvent sur la blogosphère et les sites des journalistes, on trouve derrière les moqueries (légitimes) sur la communication ratée beaucoup d’articles qui démolissent le concept même du label PUR. Ma position est relativement complexe, puisque contrairement à beaucoup d’anti-Hadopi « basiques », téléchargeurs du dimanche (et des autres jours de la semaine), je suis résolument CONTRE le piratage systématique des oeuvres artistiques, et si je pense que la loi sur la propriété intellectuelle actuelle est bancale et devrait être aménagée, je suis néanmoins convaincu que le choix du partage massif (ou non) de ses oeuvres doit pouvoir être fait par l’artiste en question. J’aurais personnellement du mal à considérer quelqu’un qui s’opposerait farouchement à ce qu’on partage son art un « vrai » artiste, mais pour moi cela doit fait partie des libertés de cet individu (et notez bien que je parle de l’artiste, hein, pas du label d’édition ou major chez qui il a potentiellement signé).

J’ai déjà parlé sur ce blog de ma vision idéale de la chose (mais bon, c’était il y a plus d’un an donc comme je suis bon et généreux vous avez droit à une piqûre de rappel), pour moi il n’y a pas de meilleure méthode que celle d’artistes comme Jane Siberry, Amanda Palmer, Radiohead et autres Nine Inch Nails, en l’occurence diffuser son oeuvre « gratuitement » mais proposer la possibilité de payer. De cette manière, ceux qui n’ont pas les moyens de dépenser beaucoup d’argent ont quand même une porte d’accès vers la culture, et leur accès gratuit (ainsi que l’accès gratuit de ceux qui ont les moyens mais qui profitent comme des sangsues, ne nous leurrons pas, il y en a beaucoup) est compensé par ceux qui ont les moyens et qui paient, parfois plus que le prix moyen actuel pour une chanson lorsqu’ils veulent soutenir un artiste. Jane Siberry notamment expliquait il y a quelques années que la majorité des gens qui téléchargeaient ses titres ne payaient rien, mais que si elle divisait l’argent collecté par le nombre de téléchargements le prix d’achat moyen de ses titres était supérieur au prix moyen de vente d’un titre sur iTunes à l’époque. Un genre de mécénat moderne, mais qui fonctionne, quelle que soit la taille de l’artiste, pour peu que cet artiste soit doué (et encore, ce n’est même plus une obligation, cf. les millions gagnés par Rebecca Black…)

Dans ce contexte, vous me direz, « mais alors, baron, tu dois trouver ça bien, sur le papier, le label P.U.R. ?« , et vous aurez raison. Oui, sur le papier, je trouve ça bien, le label P.U.R., tant que cela reste un label (genre le label rouge), que la démarche est volontaire de la part du site, et qu’il n’y a pas de discrimination gouvernementale entre les sites labellisés et les sites non labellisés (c’est là que le bât commence à blesser). Je suis complètement pour le fait de mettre en avant les « usages responsables » sur Internet, et féliciter les initiatives qui vont dans ce sens. Oui, MAIS (tu l’attendais, mon « mais », hein ?). Mais la mise en avant de ce label est, déjà, effectuée par une plaquette non relue (cherchez la faute de frappe, ça fait très professionnel) et contient le même tissus de conneries habituellement diffusé par la Hadopi, sur les pauvres artistes tués par le téléchargement par exemple (alors que les études sérieuses sur le sujet s’accordent à dire que plus un individu télécharge, plus il dépense pour sa culture) et surtout le message des spots comme quoi sans Hadopi il n’y aura bientôt plus d’artistes, alors qu’il n’y a jamais eu autant d’art et de création que depuis la démocratisation d’Internet, justement parce que même des artistes moyens (ou doués mais incompris) peuvent aisément diffuser leur message sans avoir à passer par la case « major ».

Mais surtout, même si le message du label PUR était 100% positif, même si les spots de pub étaient réussis, même s’il n’y avait pas de discrimination, ce label serait quand même a éviter tout simplement parce qu’il est impossible de soutenir et de justifier une quelconque initiative provenant de la Haute Autorité. Parce que cet organisme d’Etat, rappelons-le, est à la tête d’un système de répression liberticide et intrusif, aux méthodes discutables, et aux condamnations de fait malgré les preuves apportés et démontrées de nombreuses fois pendant le forcing législatif du texte par le gouvernement qu’une « sécurisation » WiFi complète était techniquement impossible (puisque techniquement c’est justement le « défaut de sécurisation » qui est puni, pas le piratage, *sic*) et qu’il était aisé de falsifier une adresse IP ou d’en injecter au hasard dans les mailles des filets des mouchards au service de la Haute Autorité, rendant possible et PROBABLE de nombreux cas d’identifications erronées à partir de l’iP. Hadopi, c’est toute une philosophie complètement INTOLÉRABLE pour l’accro à la liberté d’expression que je suis, même si je suis contre le piratage. Et tant qu’existera cette partie répressive et liberticide, soutenir n’importe quelle action de la Hadopi – même une action intelligente et bien communiquée hein, sur un malentendu ça pourrait même leur arriver – sera à mes yeux inadmissibles. Ce serait un peu comme défendre un pédophile kidnappant des gamins à la sortie de l’école en leur distribuant des sucettes sous le principe que cet individu soutient financièrement l’industrie des sucreries par son action, quoi.

Je pense que le principe du label P.U.R. part d’une bonne intention, et sans parler d’une vraie bonne idée, avec une meilleure communication cela aurait pu être une excellente initiative. Que j’aurais probablement soutenue, d’ailleurs, si elle provenait directement du ministère de la culture, voire d’une entreprise privée. Mais au vu de l’association de ce label avec la Hadopi, je n’ai pas d’autre solution que de le fuir comme la peste. D’ailleurs, comme le dit le titre, je vais pour ma part effectuer un boycott P.U.R. et simple du label P.U.R. : j’arrêterai immédiatement de visiter tout site culturel ou informatif disposant du label, et je ne dépenserai jamais ne serait-ce qu’UN EURO sur un quelconque site commerçant disposant du label. Je vous encourage vivement à faire de même, d’ailleurs, et à faire passer le mot, tant que la partie liberticide, répressive, légalement bancale et inacceptable de la Hadopi sera en activité. Parce que certains « crimes » moraux ou philosophiques sont à mes yeux suffisamment graves pour rendre intolérable toute initiative, même bonne, provenant de la même entité. Je ne défendrai pas non plus mon pédophile virtuel de l’exemple ci dessus s’il passait ses week ends à faire du bénévolat chez les Restos du Coeur. Loin de moi l’idée de mettre sur le même plan de gravité les crimes tangibles des pédophiles avec les crimes moraux de la Hadopi contre la liberté d’expression, la vie privée et la présomption d’innocence (même l’ONU le dit, hein), mais cette métaphore est à mes yeux plutôt claire pour comprendre mon propos, et dans un sens c’est un clin d’oeil morbide à l’excuse numéro un des législateurs répressifs, la pédopornographie sur Internet étant bien souvent le vilain démon utilisé comme polichinelle pour justifier et faire accepter a peu près toutes les récentes dérives totalitaires et inacceptables de la politique numérique du gouvernement, si inefficaces soient elles dans les faits pour contrer ce fléau.

Bref, ce n’est pas le sujet ici, le message important est : boycott systématique des sites labellisés PUR. Qui en est ?

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La citation du jour: « Qui aurait cru que je pourrais m’ennuyer a ce point en parlant de couilles… »
La chanson du jour: Piccadilly Palare, Morrissey, « The Piccadilly palare was just silly slang between me and the boys in my gang  »So Bona to Vada. OH YOU! Your lovely eek and your lovely riah »  »

Même s’il vous faudra attendre demain pour ma semaine de comics, la vie est belle !