Cela fait un petit moment que mon travail me force à vous bouder ici, alors pour vous récompenser de votre patience, ce nouvel article sera un article de fond sur un sujet sérieux, parce que j’en ai envie, et parce que cela fait longtemps…

Malgré le titre racoleur pour toute personne un tant soit peu fleur-bleue, je ne vais pas parler ici d’amour, mais de liberté. Enfin, l’une des libertés, pour être précis. En tant que français, j’ai été élevé dans des écoles, fréquenté des mairies, où l’on nous rabâchait sans cesse la sacro-sainte trinité laïque qui a, dans notre pays, remplacé la trinité chrétienne : Liberté, Egalité, Fraternité.

Il y aurait beaucoup à dire sur l’égalité et la fraternité, aussi, surtout à l’heure actuelle, mais concentrons-nous plutôt sur le premier mot, « liberté », et plus particulièrement sur un type précis de liberté que 99% des français sont convaincus de posséder alors qu’il n’en est rien :

La liberté d’expression.

Oui, contrairement à ce que l’on pense, en France, la liberté d’expression n’est pas… libre. En effet, il existe une censure légale, des thèmes interdits, des tournures « mal vues », et de plus en plus de répression des « excès » menant notre pays (tout comme la plupart des pays développés en ce moment, il faudrait rappeler George Orwell et Aldous Huxley) vers un discours aseptisé et à de plus en plus de cette auto-censure mêlant langue de bois et langue de coton qui change notre paysage socioculturel en un beau tas d’hypocrisie bien pensante.

Car la liberté d’expression fait peur. Elle fait peur, car pour pouvoir s’exprimer, il faut d’abord réfléchir à ce qu’on veut/va dire. Et pour réfléchir à cela, il faut d’abord penser. Et penser, au XXIème siècle, cela deviens très vite un luxe réservé à une élite, et surtout un mode de vie dangereux, dangereux pour la société actuelle dont les excès sont de plus en plus flagrants et aux conséquences de plus en plus graves. Si on pense, on est de plus en plus amené à la remettre en question, et ça, c’est le Mal(tm). Donc on vous abreuve de Julien Courbet et de Star Academy, du cul des Pussycat Dolls et de matchs de football, pour vous amener à ressentir, jouer avec vos émotions, satisfaire vos besoins (Panem et circenses, du pain et des jeux, ça date de Juvénal, et c’est plus que jamais d’actualité), et surtout, SURTOUT, réduire au minimum vos occasions de penser.

Et ça marche. Et une telle démarche est tellement rassurante pour la masse populaire, tellement simple, que le peuple lui-même tend le bâton pour se faire battre. Et ne me lancez même pas sur le langage SMS et l’appauvrissement du vocabulaire, moins on a de mots, moins ces mots sont précis, moins on peut exprimer une pensée précise, donc moins on pense précisément. Orwell, encore lui, l’avait mis en avant avec son langage simplifié, le « Newspeak », sauf que ce bon vieux George était bien trop optimiste : dans 1984, c’est l’Etat qui développe et impose le Newspeak pour réduire les facultés cognitives du peuple. Dans la vraie vie, c’est le peuple lui-même qui l’a adapté et adopté. Un jour, je ferai un article entier sur ce sujet, mais revenons à nos papillons.

Pourtant, malgré ce bon vouloir proactif du peuple à se laisser décérébrer, il reste encore des gens qui pensent, des gêneurs, et c’est contre eux que s’applique, en vrai, la censure en France. Oh, bien sûr, on continue à publier au journal officiel une dizaine de livres par an officiellement interdits de vente en France, en prenant soin de bien sélectionner des livres bien infâmes et antisémites, ou islamo-extrémistes, ou un bouquin parlant de viols d’enfants. Personne ne songe à être contre une telle censure, et cela suffit pour justifier toutes les autres dérives. Car il y en a, en France, des dérives.

Dérive, lorsque sous couvert d’Hadopi/Lopsi/Grossconneri on en vient à légaliser des « listes noires » de sites Internet communiquées par l’Etat aux fournisseurs d’accès Internet français qui auront obligation de rendre ces sites inaccessibles aux internautes de l’Hexagone. Qui, contrairement aux livres sus-cités, ne seront PAS enregistrés au journal officiel. Aucune transparence, aucun contrôle véritablement possible.

Dérive, lorsque Jérôme Bourreau-Guggenheim, un journaliste de TF1, se voit licencié pour avoir osé dire du mal de Hadopi (vous savez, la loi qui va à l’encontre de la loi européenne et qui punit de manière graduée mais sans recours possible à la présomption d’innocence ? Vous n’avez pas suivi ?) en public. Quand avoir une opinion et avoir le courage de l’assumer devient un motif de licenciement pour « divergence forte avec la stratégie », je trouve cela inadmissible.

Dérive, lorsqu’une mère de famille se retrouve sur le banc des accusés face à une ministre pour avoir commenté « Hou la menteuse » sous une vidéo Dailymotion de la ministre en question. Parce qu’il est bien connu qu’un ministre, ça ne ment jamais. Et qu’une personne écrivant « menteuse » sous une vidéo est autrement plus dangereuse pour la sécurité publique qu’un homme politique lambda qui traiterait un passant de petit con.

Et il y en a d’autres, des exemples, il suffit de creuser un peu pour en trouver. Et ce qui m’inquiète, c’est que cette censure, qu’elle soit réelle et répressive ou qu’il s’agisse de cette auto-censure hypocrite dont je parlais plus haut, personne, ou presque, ne s’en inquiète. Pire encore, de plus en plus de gens l’approuvent et la justifient comme le « mal pour un bien » nécessaire pour lutter contre la pédophilie, le piratage, ou je ne sais quel autre démon moderne brandi par les media comme un épouvantail, qui a existé de tout temps et qui a été (justement) réprimé de tout temps, mais qui sert maintenant comme d’une excuse fourre-tout pour justifier de plus en plus de bornes et de limites aux libertés individuelles, et les faire accepter comme de « Bonnes Idées »(tm) par la majorité de la population.

Parce qu’à mes yeux, il n’y a pas d’autre liberté plus importante, plus essentielle que celle ci. Parce que même les idées les plus dégueulasses, les plus ignobles, les plus abjectes, DOIVENT avoir le droit d’audience, ne serait-ce que pour qu’on puisse se rappeler combien elles sont inacceptables, ces idées, mais surtout parce que lorsqu’on s’engage sur ce terrain glissant, y’a t’il seulement encore possibilité de mettre des limites à ces limites ? Qui décide du bien et du mal ? Du droit de dire, ou de l’obligation de taire ? L’histoire nous a prouvé que la notion de « juste » et la notion de « vrai » dépendent énormément du contexte, et sont des concepts incroyablement flexibles. Et pour cela, pour ne pas se laisser enfermer dans un quelconque carcan cognitif, il me semble absolument capital de se battre pour la liberté d’expression. Parce que même si je ne suis pas d’accord avec tes idées, même si je les trouve répugnantes, je me battrai intellectuellement jusqu’au dernier souffle pour que tu conserve ton droit de les exprimer sans craindre une amende, un emprisonnement, ou 35 coups de fouet.

Parce qu’à l’heure où même eux se mettent de plus en plus à tenter de la limiter voire de la contourner, de lui trouver des exceptions, il me semble important de se rappeler qu’outre-Atlantique il existe une union d’états dont le premier amendement à la constitution est l’une des plus belles et plus indispensables lois jamais écrites par l’homme :

Congress shall make no law respecting an establishment of religion, or prohibiting the free exercise thereof; or abridging the freedom of speech, or of the press; or the right of the people peaceably to assemble, and to petition the Government for a redress of grievances.”

« Le Congrès ne fera aucune loi qui touche l’établissement ou interdise le libre exercice d’une religion, ni qui restreigne la liberté de la parole ou de la presse, ou le droit qu’a le peuple de s’assembler paisiblement et d’adresser des pétitions au gouvernement pour la réparation des torts dont il a à se plaindre. »

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La citation du jour: « Ca roule ma poule ! Et une jeunette de 19 ans pour ton ménage, une ! »
La chanson du jour: Obstacle 1, Interpol, « But she can read, she can read, she can read, she can read, she’s bad »

Même si cet article était un peu long, la vie est belle !