(ce titre est dédicacé à la Petite Graine)

Fidèle lecteur, jolie lectrice, tu sais que Tears of the Night n’a pas véritablement vocation d’être un blog de geek, même s’il m’arrive parfois de réfléchir « tout haut » sur l’impact réel de gadgets ou avancées technologiques comme le Kindle d’Amazon. Néanmoins, après avoir regardé la dernière Keynote d’Apple en streaming, et avoir vu sur Twitter un torrent d’articles-commentaires, j’ai voulu apporter ma pierre à l’édifice pour une raison bien simple. En effet, sur le gazillion d’articles pondus sur l’iPad, je n’en vois réellement que deux, déclinés sous différentes formes mais disant peu ou prou la même chose.

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A ma gauche, la masse des Apple-haters. Vous en avez forcément un dans votre entourage. Vous savez, ce sont ces gens pour qui tout produit vaguement associé avec un logo à pomme est forcément une bouse infâme. Ceux qui se moquent des gens qui font la queue pendant des heures à l’ouverture d’un AppleStore. Ceux qui vous expliquent pour des milliers de raisons que l’iPhone est le pire téléphone du monde. Que le MacBook ne sera jamais qu’un PC portable en moins bien. Que l’iMac a un design moche et que pour le même prix on a un PC de compétition. Avant même de savoir quel sera le prochain produit sorti des cerveaux de Cupertino, ils savent déjà qu’ils vont le détester. Sans surprise, pour ces gens là l’iPad est une bouse infâme qui n’a absolument aucun intérêt.

A ma droite, la masse des Apple-fanboys. Vous en avez forcément un dans votre entourage. Vous savez, ce sont ces gens pour qui tout produit vaguement associé avec un logo à pomme est forcément une révolution technologique. Ceux qui sont prêts à faire la queue pendant des heures pour l’ouverture d’un AppleStore. Ceux qui vous expliquent pour des milliers de raisons que l’iPhone est le meilleur téléphone du monde. Que le MacBook sera toujours mieux que n’importe quel PC portable. Que l’iMac a un design révolutionnaire et que de toutes façons il faut débourser au moins autant pour avoir un PC qui tient la route. Avant même de savoir quel sera le prochain produit sorti des cerveaux de Cupertino, ils savent déjà qu’ils vont le vouloir. Sans surprise, pour ces gens là l’iPad est une révolution technologique qui va immédiatement changer leur quotidien.

Dans un sens, Apple a réussi à réinventer la dualité et à nous offrir une version moderne de la lutte entre le jour et la nuit, le bien et le mal, les crêpes au Nutella et les brocolis cuits à l’eau.

Dans un certain sens, après avoir fait partie des Apple-haters pendant des années, le recul et l’expérience ont maintenant fait de moi une créature étrange affranchie des deux groupes, et avec une certaine objectivité face aux produits à pomme que j’ai rarement dans d’autres domaines de ma vie (j’assume pleinement ma subjectivité en presque tout). J’ai acheté un iPod Touch parce que je voulais mettre toute ma musique dans un seul appareil que je pourrais brancher sur mon autoradio, et que je voulais que ça soit joli. J’ai acheté un iPhone 3GS très peu de temps après (le jour de sa sortie, en fait) parce que j’étais convaincu par le confort et le design du Touch et qu’il y avait assez de place sur la version 32Gb pour y mettre mes 27Gb de musique (c’est « peu », 27Gb, je sais, mais ma musique est légale… Je suis contre Hadopi, certes, mais tout autant contre le piratage). Séduit par la taille et le contraste de sa version « géante », j’ai délaissé mon PC et acheté le dernier iMac, ce qui ne m’empêche pas de rester objectif et de trouver que la Magic Mouse livrée avec, par exemple, c’est de la merde.

Alors, cet iPad, me direz vous ? Eh bien je trouve que c’est un semi-flop. Steve Jobs a voulu se concentrer là dessus et ne présenter QUE ça dans la Keynote, et du coup on a tendance à voir les défauts de la bête de manière plus aigue, et à rester sur sa faim. Dans son état actuel, pour moi l’iPad est comparable au tout premier iPhone : joli, « y’a de l’idée », mais en pratique bourré de bugs et de lacunes de design qui vont le desservir. Autant j’adore mon iPhone 3GS, autant je n’aurais jamais voulu du premier iPhone, même en cadeau. D’ailleurs, on voit bien dans ce produit les lacunes cognitives des Apple fanboys *ET* des Apple haters : à la sortie du premier iPhone, les Apple fanboys l’ont acheté en masse malgré ses défauts car en s’en servant, ils rêvaient secrètement de ce que serait l’iPhone 3GS. A la sortie de l’iPhone 3GS, aucun Apple hater ne l’a acheté ni considéré objectivement : ils lui reprochaient toujours les lacunes du premier iPhone. Et il est fort probable que l’histoire se répète pour l’iPad.

Objectivement, s’il n’y avait pas une pomme dessus, l’iPad serait un flop commercial monumental (surtout en Europe, j’y reviens plus bas). Et je ne parle même pas du nom RIDICULE d’ « iPad ». Non seulement c’est trop proche d’iPod pour se faire une identité, mais en plus pour mes lecteurs non anglophones, un « pad » en anglais, le sens le plus courant c’est une serviette hygiénique. Ils n’ont pas de femmes, dans l’équipe marketing Apple, ou quoi ?

iPad

Le but avoué de l’iTamponiPad est d’en faire une machine de surf, mais toujours pas de plugin Flash ? Apple a déjà avoué à demi mots son désir de démolir ce format, mais en pratique, même si son usage ralentit, ce n’est pas encore le cas, et là où l’absence de Flash n’est pas trop gênante sur l’iPhone (la plupart des sites en Flash étant des sites dynamiques ou des sites de jeu qui seraient de toutes façons peu pratiques sur le petit écran du Smartphone), sur l’iPad son absence délibérée est une balle dans le pied.

Ensuite, une bonne part de la présentation était concentrée sur iWork version iPad. Oui c’est joli. Oui, ça a l’air intuitif. Mais sans moyen de transférer ses fichiers autrement que par sync, ça devient complètement débile de songer à s’en servir pour ça.

Enfin, la vraie bonne idée déjà implémentée de la chose à mes yeux c’est iBooks. Où l’iPad se transforme donc en une espèce de Kindle couleur, avec moins d’autonomie mais COULEUR, et avec un joli design d’utilisation permettant de « tourner les pages » à la main. Oui, mais. Mais apparemment les seuls livres qu’on pourra mettre dans iBooks seront ceux du store (pas moyen d’y ajouter ses propres PDFs, même via une sync). Il n’y a toujours pas d’offre d’achat version papier + version électronique (ce que je ne COMPRENDS pas. Ca existe pour les vidéos, alors vous n’allez pas me dire que ni Amazon, ni Apple n’y ont pensé ? Alors POURQUOI ???). Et surtout, d’où mon « flop commercial surtout en Europe » plus haut, iBooks n’est disponible pour l’instant QUE sur le territoire intérieur américain. Steve Jobs l’a évité avec tact pendant la Keynote, mais sur le nouveau site d’Apple dédié à l’iPad, on peut voir une jolie astérisque avec la mention « iBooks is available only in the U.S. », réduisant à néant le plus gros point fort (à mes yeux) de la machine pour l’instant.

Donc en toute objectivité, sans aller jusqu’à dire que c’est une bouse infâme, pour moi l’iPad est une bonne idée actuellement très mal implémentée etsans grand intérêt, et à mon avis les ventes (car il y en aura) seront encore moins bonnes que celles du premier iPhone. Néanmoins si Apple a su démontrer quelque chose au fil des ans, c’est sa capacité à faire des erreurs monumentales, et à en tirer des leçons tout aussi monumentales (je conseille la lecture de cet article en anglais sur les plus beaux flops d’Apple). Il est fort probable que dans deux ans, l’iPad aura muri et sera probablement une bonne machine. Mais d’ici là, ceux qui en feront l’acquisition (comme pour le premier iPhone) seront majoritairement des Apple fanboys qui paieront leur manque d’objectivité en servant de beta-testeurs-payeurs à Apple et en payant cher une machine lacunaire et peu attrayante. Tout comme dans deux ou trois ans, les Apple haters paieront leur manque d’objectivité en se privant par dogmatisme primaire d’une machine efficace.

Mais pour conclure, ce qui est vraiment important avec la sortie de l’iPad, ce n’est pas iPad. Le premier iPhone était une machine trop chère et manquant de tonnes de fonctionnalités. Pourtant iPhone, dès le départ, a été une révolution dans le monde de la téléphonie. Déjà grâce à l’AppStore, où des MILLIONS (si si) d’applicactions sont téléchargées chaque jour, faisant chauffer la carte bleue dans un monde où le piratage et le désir de vouloir tout pour rien était devenu loi. Mais surtout parce qu’en dépit de ses lacunes de l’époque, iPhone a ouvert la porte à une révolution technologique et à un investissement massif des concurrents d’Apple. Ni HTC, ni Blackberry, ni Google n’auraient tant investi et dépensé sans l’électrochoc de la présentation du premier iPhone tout pourri. Sans iPhone, y’aurait-il eu Android ? Peut être. Probablement. Mais pas si tôt, et Google aurait probablement fait quelques erreurs de design de plus pour son lancement que celles qu’il a pu éviter grâce à la sortie bancale d’iPhone. Donc certes, l’iPad est actuellement un produit tout pourri, mais sa présentation et sa mise en vente assurent surtout que d’ici quelques années, nous aurons tous dans les mains des putains de tablettes à la pointe de la technologie et remplies de bonnes idées, avec ou sans pomme.

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La citation du jour: « Merci. Je vais aller jouir de ce pas. »
La chanson du jour: Revolution, The Beatles, « You say you want a revolution, well, you know, we all want to change the world. »

Même si la non-disponibilité d’iBooks en France flingue tout intérêt que l’iPad aurait pu avoir pour moi, la vie est belle !