Ou : « Soyez pas mal-poly ! »

Le développement de ce second mini-essai sur l’Amour présuppose la lecture et la compréhension de la première partie, voire sa considération comme axiome pour la suite logique du développement. Si vous n’êtes pas d’accord avec ma définition, essayez de vous l’imaginer pour assimiler la suite. Si même cela vous est impossible… *hausse les épaules* bin lisez pas l’article, vous gagnerez du temps.

Le premier article, donc, parlait de ma définition de l’Amour. Conscient de la non-universalité de cette définition, et suffisamment tolérant pour admettre et accepter les autres définitions, je demeure tout de même suffisamment pédant pour la considérer comme meilleure et plus saine que la plupart des autres définitions qui m’aient été données à lire jusqu’à présent. Ou tout du moins plus adaptée à ce que je ressens, moi, et à ce que je sais que nombre des personnes qui m’entourent et me font suffisemment confiance pour m’en parler, souvent en proie au désarroi car ce qu’ils/elles ressentent n’est pas conforme, justement aux définitions « classiques ». Maintenant que cette définition est acquise, nous allons pousser la réflexion un peu plus loin et parler d’un sujet en grande partie évité dans la définition précédente : la non-exclusivité.

« Polyamoureux ». « Polyamour ». « Polyamorisme ». « Polyamory ». « Poly ». Tant de mots différents pour exprimer le même concept. Tant de mots qui se recouvrent sans encore avoir trouvé leur norme, car la norme est gênée par le concept, justement. L’avantage de ce listing c’est que avec un peu de chance les gens qui chercheront ce sujet sous Google auront d’autant plus de chances de tomber sur cet article, et s’il peut répondre à quelques unes de leurs questions c’est tant mieux.

Alors le polyamour, c’est quoi ? Si on devait véritablement résumer en termes compréhensibles par un maximum de monde, il faudrait dire « une polygamie non-sexiste et intellectuelle« . Ca résume, on sait de quoi on parle, et pourtant de la même manière on perds une grande partie de la profondeur même du concept. D’où l’intérêt (en tout cas à mes yeux) de cet article. Vous pouvez voir ça comme du prosélitisme. Je préfère parler de prise de conscience. Mon but n’est pas de faire de chacun de vous, jeunes lecteurs, jolies lectrices, un ou une polyamoureu(x/se) mais de vous permettre de réfléchir objectivement sur le sujet et de vous faire votre propre opinion.

Bref, nous avons présenté (j’aime bien le nous. Ca fait académique et un peu prétentieux en même temps, hu hu hu) dans l’article précédent la nature infinie de l’Amour lorsqu’il comporte une majuscule. C’est cette propriété intrinsèque au sentiment amoureux qui va être capitale pour la suite du développement. Parce que comme vous le diront tous les matheux qui trainent (allez, faites moi plaisir, y’a bien au moins UN matheux parmis mes lecteurs ?), un des trucs sacrément classe avec l’infini, c’est que tu as beau le diviser autant de fois que tu veux par un entier, ça fait toujours l’infini. Et bien que je sois persuadé que vous voyez immédiatement là où je veux en venir, c’est justement ce moment que je choisis pour faire un aparté.

Imaginez que vous ayez un enfant. Une jolie petite fille blonde par exemple (oui je suis influencé par la naissance de Maud, mais j’t'emm…). Bon, vous aimez votre fille, correct ? Maintenant, vous avez un second enfant. On va dire que c’est un garçon, ce coup ci, pour faire taire les mauvaises langues. Vous aimez votre garçon, correct ? Bien. Mais ce n’est pas pour cela que vous n’aimez plus du tout votre fille. Ce n’est pas pour cela non plus que vous aimez l’un des deux plus que l’autre. En fait, on ne peut même pas dire non plus que vous les aimez « pareil » l’un et l’autre. Vous les aimez tous les deux, différemment, car ils sont différent, et infiniment, parce que vous les Aimez. Et vous trouvez ça naturel.

Eh bien le polyamour, c’est un peu ce concept, mais appliqué aussi aux relations intimes et aux relations de couple.

Et là tout de suite la moitié d’entre vous est choquée, outrée, et positivement pas d’accord. Mentez pas, je vous ai vu. Et vous savez quoi ? C’est *normal*. Pourquoi normal ? Parce que depuis que vous êtes tout bébés, c’est ce qu’on vous rabache et qu’on vous conditionne à penser à grand coup de morale et de mass-media. La monogamie est prédominante dans notre société car elle découle de la morale du péché et de la culpabilité de l’accomplissement des désirs qui sont l’héritage des traditions judéo-chrétiennes, principalement. A travers le monde, sur toutes les cultures et traditions non-influencées par cette « morale » à succès, une grande majorité sont des cultures polygames. Et pas de sexisme, hein… Polygame comme plusieurs hommes ou plusieurs femmes (toi aussi, enrichis ton vocabulaire grâce à Tears of the Night : quand seul l’homme a le droit à plusieurs épouses, c’est de la polygynie. Quand seule la femme a le droit à plusieurs maris, c’est de la polyandrie). C’est un comportement émotif *naturel*, mais qui n’est plus *normal*, car la normalité est définie de nos jours comme le reflet de la somme de nos cultures occidentales qui, bien que laïques en théorie, conservent en pratique une bonne partie de valeurs morales découlant des religions à succès.

« Alors en pratique, Baron, ça se vit comment, le polyamour ? »

En pratique, il suffit d’écouter son coeur et ses sentiments. Je suis sûr que toi aussi, jeune lecteur, jolie lectrice, tu as déjà rencontré CETTE personne. Cette personne qui, alors que tu étais heureu(x/se) en couple, t’a fortement attiré. Et probablement, tu as eu l’une des trois réactions classiques :
A) Tu as nié, et tu t’es convaincu du contraire, et ça c’est le mal
B) Tu as culpabilisé et tu t’en es voulu, et ça c’est le mal
C) Tu as craqué et tu as eu une aventure dans le dos de ton Autre, et ça c’est le mal.

Parce que notre société nous conditionne à croire que ressentir ça c’est mal, alors pour compenser on agit stupidement et on fait, au final, beaucoup plus de mal (et du vrai) à nous ou à autrui, que ce « mal » virtuel dont on essaie de nous convaincre de la véracité. Avec succès bien trop souvent. Alors que ce sont des pulsions tout autant physiques que mentales tout à fait naturelles. Assumer cette force des sentiments, c’est le premier pas vers le polyamour.

Amour infini, nous le rappelons. Donc alors qu’il est divisé sur 2, 3, x personnes, il reste tout autant un amour infini envers chacun(e) des récipendaires. Et la beauté sublimée de tout ça, c’est qu’en plus cet Amour est différent et s’exprime différemment pour chaque personne. Par contre, il est vrai que cet état soulève le « défaut » majeur (et plus ou moins le seul, en fait) du polyamour : si l’Amour est infini, le temps, lui, ne l’est pas. Gérer les diverses relations peut être difficile.

Alors quelle est la différence avec un homme ou une femme adultère qui entretiens plusieurs relations en même temps ? J’y viens. La différence vient de la franchise et de l’absence de mensonge. La confiance, sur laquelle je me suis longuement attardé dans ma définition de l’Amour, est une constante immuable de toute relation polyamoureuse. Et aucun « vrai » polyamoureux n’entretiendra de relation avec quiconque sans avoir au préalable prévenu son, sa, ou ses partenaires.

Polyamour sous entends également la fin de la jalousie. La jalousie nait psychologiquement d’un sentiment d’insécurité et d’un complexe mineur (si l’Autre passe du temps avec autrui, il/elle trouvera forcément autrui mieux que moi et va me quitter) ou pire encore, d’un réflexe d’esclavage mental (tu es MA chose, tu m’APPARTIENS, tu ne dois vivre que pour moi et pas pour toi). Le polyamour abolit tout cela. Même si l’Autre entretient des relations avec autrui, la confiance entre l’Autre et soi est telle que et l’un et l’autre savent que cela ne remets pas en cause l’infinité de l’Amour qu’ils partagent.

Le polyamour, c’est un Amour sublimé, basé sur le partage, le dialogue, la non-jalousie, la non-dominance, et la liberté de l’un et de l’autre. We’re One, but we’re not the same, chante Bono… (oui je sais, j’ai déjà cité ça la dernière fois). Ce n’est pas de l’échangisme, car contraiement aux préjugés, le polyamour n’est pas basé sur le sexe. C’est un petit plus agréable, mais en aucun cas requis pour vivre une ou plusieurs histoires d’Amour. Je ne suis pas non plus d’accord avec ceux qui associent polyamour et peur de s’engager. Au contraire, c’est s’engager encore plus, plus fort, et plusieurs fois. C’est un sur-engagement. Ce n’est pas un libertinage, car je me considèrerais (NB : je me SUIS considéré, en fait, vu que j’ai subi… passons) comme trompé si l’une de mes relations polyamoureuses entretenait une relation -même purement physique- sans m’en avoir parlé. C’est aussi le respect. Je suis polyamoureux, mais je sais que tout le monde ne l’est pas. Et j’ai déjà choisi de rester « fidèle » à une personne non-poly avec qui je m’étais mis en couple, plus d’une fois. Et chaque fois ce sujet est longuement débattu dans le couple. Pour arriver à un consensus (je deviens « monogame » le temps du couple, ou l’autre devient poly, ou on finit par se séparer après avoir fait duré le status quo aussi longtemps que possible en cas de désaccord irrémédiable), ou pour se séparer bons amis.

Soyons tout de même francs avant de conclure. Le polyamour c’est sublime en théorie, mais en pratique c’est pas toujours facile. Parce que tout le monde n’est pas polyamoureux. Parce que même pour ceux qui le sont, et pour moi aussi, les réflexes du conditionnement monogamme permanent de notre éducation et des media est une geôle des plus étroites. Mais une révolution des moeurs se fait un coeur à la fois. J’espère que vous prendrez un peu de temps pour réfléchir à tout cela, que vous finissiez par être convaincus ou pas. Le plus dûr est d’essayer de considerer cela en étant VRAIMENT objectif, et sans idées reçues.

L’Amour est infini, et naturellement contagieux. Il est de ma profonde conviction que renier ces sentiments est non seulement un héritage superflu d’une religion nombriliste, mais c’est aussi surtout se renier soi. Et c’est égoïste, car c’est refuser de partager cet Amour avec ceux qui en sont les légitimes bénéficiaires. Quand on Aime, on ne compte pas. Ca veut dire qu’il faut pas faire une fixation sur « un » :o )

En espérant que vous fûtes nombreux à lire ces lignes jusqu’au bout. La troisième (et à priori dernière) partie du B.A. BA de l’amour sera consacrée à la nature de la frontière entre Amour et Amitié (avec une majuscule aux deux). pour ceux qui veulent creuser, l’article de Wikipedia sur le Polyamour est très bien fait.

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La citation du jour: « J’ai arrêté de lire ton blog quand tu as arrêté de parler de moi »
La chanson du jour: Pure Morning, Placebo, « A friend in needs a friend indeed, A friend who’ll tease is better »

Même si je suppose que beaucoup de gens auront la flemme de lire cet article en entier, la vie est belle !