Bon, puisqu’il y a encore du monde…
Visiblement il y a des gens qui guettaient la lumière en dépit de la poussière ici… On va y aller doucement, alors, et pas tout de suite attaquer avec de la poésie, un coup de gueule de société, un article politique, ou un compte-rendu des montagnes russes qu’ont été l’année 2014 pour moi… (Re)commençons simple, avec ce qui vient sans trop réfléchir : des comics.
Attends, attends, fragile lecteur, agacée lectrice, reste, même si tu n’aimes pas trop les comics, cet article est aussi fait pour TOI (*regard de lover, doigt tendu*)
Le petit monde des comics (de plus en plus petit, d’ailleurs, si l’on ignore les blockbusters annuels ou bi-annuels pondus par Marvel Studios ou DC et le gazillion de séries à thème « comic books » qui fleurissent sur toutes les chaines (américaines) depuis quelques années. Le sexisme parfois profondément ancré dans certains titres (et certain fans…), les histoires répétitives, la difficulté pour un néophyte de naviguer sans clefs dans les vastes multivers Marvel et DC découragent aisément toute curiosité si elle ne se double pas d’un grand pavé de motivation. Pourtant, chaque génération, un héros se lève pour la justice une série sortie de nulle part est magnifiquement bien écrite, équilibrée, accessible, et sert de point d’entrée dans le monde des fascicules mensuels illustrés pour des milliers de nouveaux fans. L’exemple le plus frappant est sans doute le Sandman de Neil Gaiman à la fin des années 80, qui apporta tout un nouveau public (et pour la première fois sans doute, un public avec une part représentative de lectRICES) dans les échoppes mal éclairées habituellement réservées aux geeks et social outcasts débattant de la taille du MARTEAU de Thor, et remplaçant l’éléphant et l’hippopotame par Superman et Spider-Man dans l’éternel jeu du « qui c’est le plus fort ». Il y en a eu d’autres. Citons notamment le merveilleux Locke & Key de Joe Hill ces dernières années (série maintenant terminée et disponible en recueils, en VO comme en VF pour les quelques anglophobes parmi vous).
Curieux lecteur, intriguée lectrice, laisse moi te présenter le Sandman des années 2010 :
Ceux qui ont la chance, le privilège, que dis-je ? L’HONNEUR de me fréquenter dans la vraie vie m’auront sans doute déjà entendu dire beaucoup de bien de cette fabuleuse saga de Kieron Gillen, « The Wicked + The Divine ». Cette série est absolument fantastique, et je la recommande chaudement à… bah à tout le monde, en fait. Sauf si vous n’aimez pas lire et que vous n’avez aucune culture, mais dans ce cas, qu’est-ce que vous foutez ici, déjà ? BREF. Cette série cumule tous les bons points. Elle n’est pas sexiste, elle ne nécessite aucune « pré-lecture » de 70,000 pages, les personnages sont tous travaillés avec soin et détail, et c’est bourrés de clins d’oeil et de références à la pop culture. Pour apprécier « WicDiv », nul besoin d’avoir appris par coeur tout le passé de Spider-Man ou de savoir comment Superman réussit à se changer maintenant qu’il n’y a presque plus de cabines téléphoniques, il suffit d’être vivant et d’être un minimum sorti (ou d’avoir regardé la télé/internet) dans sa vie.
Tu vas me dire, « Bon, l’accessibilité, les références, c’est sympa mon baron, mais de quoi ça parle ? » Et tu auras raison. Laisse moi te vendre le pitch. La légende veut que tous les 90 ans, « Le Panthéon » s’incarne dans des mortels. Le Panthéon, ce sont 12 dieux/divinités/assimilées, toutes tirées de mythologies variées (du Lucifer chrétien à la Morrigan irlandaise en passant par Baal ou Amaterasu), qui – toujours selon la légende – disparaissent ensuite mystérieusement au bout de deux ans. C’est bien beau, les légendes, dans le passé, quand on doit se fier aux récits oraux ou à des livres obscurs, sauf qu’à la fin du dernier cycle de 90 ans, on a fini par arriver en 2014, dans une période remplie de caméras de surveillance, de stars, et de smartphones. Donc forcément, la légende devient sacrément plus tangible. Les divinités du panthéon ne gèrent pas tous cette époque de la même manière. Certains restent dans l’ombre, d’autres montent des sociétés secrètes, d’autres deviennent chef d’entreprise, jusqu’à Amaterasu qui devient peu ou prou la nouvelle Britney/Miley du moment. Le lecteur suit l’histoire de ce panthéon à travers les yeux d’une simple mortelle fan de cette dernière, et qui se retrouve mêlée aux déboires de certains membres du panthéon. Quels déboires ? Menacée par un sniper, devant témoin, Lucifer (une splendide androgyne ressemblant à un croisement entre Annie Lennox et David Bowie période Thin White Duke) claque des doigts et fait exploser la tête du dit sniper. S’en suit un procès rocambolesque ou ni le juge, ni les jurés ne savent sur quel pied danser. Si on l’accuse, c’est que l’on croit en la magie et aux miracles, et dans ce cas, de quel droit accuse t’on un dieu ? Et si l’on n’y croit pas, de quoi l’accuse t’on exactement ? Pour montrer l’absurde de la situation, Lucifer demande, avec beaucoup d’humour, si le juge aurait peur qu’elle claque des doigts, là, maintenant, tout de suite, droit dans les yeux. Visiblement, oui… « Lucy » veut désamorcer la situation par l’absurde, et claque des doigts, affirmant qu’il ne se passera rien.
La tête du juge explose.
Gros plan sur Lucy, bouche bée, qui ne s’attendait pas à ça.
Scene.
Pour moi, ce pitch est le meilleur premier numéro de comics depuis LOOOOOOOOOOONGTEMPS, avec un putain de cliffhanger, et le mieux ? C’est que ça continue, de numéro en numéro, et que ça ne faiblit pas d’un pouce. Franchement, si ça ne vous donne pas envie de lire le truc, même par curiosité, je rends mon tablier ! (ou alors c’est que vous n’êtes vraiment pas fait pour les comics)
Vous pouvez trouver The Wicked + The Divine dans tous les bons marchands de comics, ou l’acheter en version numérique sur votre app préférée (Comixology ou autres). Si vous voulez entendre d’autres avis que le mien, j’ai bassiné les copains du Comics Outcast (bon, OK, surtout Eric) pendant des SEMAINES, et quand ils ont fini par le lire, ils ont visiblement tous adoré. Vous pouvez écouter leur podcast (le numéro 5, donc) en cliquant sur l’image juste en dessous.
La citation du jour: « Je vais la ligoter au dessus de la baignoire »
La chanson du jour: Station to Station, David Bowie, « The return of the Thin White Duke, throwing dart in lovers’ eyes »
Même si c’est terrible d’attendre un mois entre chaque numéro, la vie est belle !
Imprimer l'article | Cette entrée a été posté par Paul de Senquisse le 31 décembre 2014 à 0 h 50 min, et placée dans Comics review, TotN. Vous pouvez suivre les réponses à cette entrée via RSS 2.0. Vous pouvez laisser une réponse, ou bien un trackback depuis votre site. |
about 9 years ago
Et la lumière se joue de la poussière. Virevolte et s’insinue, divine créatrice d’un plaisir retrouvé.
L’attente n’était pas vaine