Hier soir, lorsque je me suis endormi, les premiers sondages post-dépouillage donnaient une victoire du « Remain » Britannique dans le referendum visant à les interroger sur leur maintien ou non dans l’Union Européenne. Ce matin, au réveil, les estimations s’avéraient erronnées, et ce que j’avais prédit il y a deux ans dans une fiction dystopienne et que la plupart des analystes politiques croyaient impensable s’est produit: le Royaume Uni a pris le chemin de l’éloignement de l’UE.

Royaume Uni, ou plutôt Royaume… Désuni. Moins de six heures après l’annonce des résultats, le premier ministre écossais (Nicola Sturgeon) annonçait la tenue probable d’un nouveau referendum sur l’indépendance écossaise, le pays ayant voté massivement (près de deux tiers) pour le maintien, et ne voulant pas être retiré de l’Union contre son gré. De la même manière, en Irlande du Nord, de plus en plus de voix s’élèvent pour affirmer haut et fort que s’ils se retrouvent contraints à quitter une union, ils préfèreraient quitter l’union du royaume plutôt que l’union européenne

Caressant ma misanthropie dans le sens du poil, le résultat de cette élection, et surtout son découpage (voir plus bas) reflète bien le climat délétère actuel de toute la classe politique, pas seulement à l’échelle de la France. Certes, l’Europe de Bruxelles est devenu une immense machine à gaz capitalovore, mais… La faute à qui? En France, et dans la plupart des pays de l’union, les élections européennes sont très globalement ignorées et snobées par la population, se retrouvant à des taux d’abstention record, et élisant par défaut des représentants issus des classes politiques les plus extrèmes que personne (sorti de leurs fans) ne voudrait voir approcher le pouvoir local ou national, mais qui sont envoyés sans remords aux postes d’eurodéputés. Les partis nationalistes sont une part non négligeable des décideurs de la construction européenne, et les gens s’étonnent que ça fonctionne de plus en plus mal?

Le pire provient de la récupération politique nationale de l’usine à gaz Bruxelloise. Certes, l’UE est massivement imparfaite. Mais en dépit de cette imperfection, elle est un bouclier solide au niveau international d’une vieille Europe complètement dépassée au niveau industriel, technologique, et humain. Je ris toujours jaune lorsque je vois passer ces memes lancés par le FN, ces images qui comparent les prix actuels en Euro et les prix en Franc il y a 20 ans, ignorant totalement le concept de l’inflation, et passant sous silence la comparaison avec l’inflation des pays hors-UE, avec lequel toute personne dotée d’un minimum de recul et de connaissance mathématique pourrait comprendre que sans l’Euro, les prix en francs en 2016 seraient encore beaucoup, beaucoup plus élevés à l’heure actuelle sans l’effet bloc de la monnaie unique. Mais ça, monsieur Dupont et madame Michu, ils ne sont pas capables de le comprendre « à froid », et ils ne prennent pas le temps d’y réfléchir. C’est tellement plus simple de taper sur le cheval boiteux et de cliquer « share » quand on vous chatouille l’indignation, même si elle est basée sur du vent et de la manipulation populiste plutôt que sur des faits. Entre ces manipulations grossières, et les politiciens de tous pays et de tous bords (gauche, droite, centre, indépendants) prompts à sortir le « c‘est pas moi, c’est l’Europe » comme bouc émissaire magique de leurs propres échecs et mesures lamentables, il est compréhensible qu’à force de manipuler le peuple dans ce sens, il finisse par le croire.

Car dans un monde où on préfère l’Euro de Foot aux précis de philosophie ou de science politique, où les média cherchent à faire du chiffre et privilégient l’émotion à l’intellect, la réaction à la réflexion, et où une large partie des quelques éclairés restant à même de voter ne se déplacent même plus pour le faire, on se retrouve avec des décisions aux conséquences graves prises et votées par les couches les plus manipulables de la société, les gens sans éducation digne de ce nom, ou les personnes (trop) âgées complètement larguées par une époque qui n’est plus la leur, dans laquelle ils ne se reconnaissent plus, et qui leur fait peur (on en revient au rôle des media…). L’image la plus édifiante de ce « Brexit » restera ce tableau effroyable de la répartition des Remain/Leave par tranche d’âge, où l’on comprend que l’avenir entier des jeunes générations britanniques a été sacrifié contre leur gré par ceux qui n’y comprennent plus rien, et qui ne seront probablement plus là pour en subir les conséquences:

 

S’il a un peu remonté depuis, ce matin le Dow Jones a ouvert avec une baisse record de 19.82%… Et ce n’est que le début. Lorsque les écossais et leurs réserves de pétrole quitteront le Royaume Uni pour rester européens (ce qui, soyons honnête, est plus que fort probable), la dégringolade économique prendra une nouvelle claque. Ce matin la Livre était à un taux historiquement bas, comparable à celui de la récession britannique de 1985. Avec le départ de l’Écosse, la catastrophe économique pourrait ramener ce qui reste du royaume à l’âge sombre des années pré-Thatcher (la Dame de Fer avait beau être bourrée de défauts et avoir certaines idées bien rances, on a trop vite fait d’oublier qu’à elle seule elle a sorti les britanniques d’une situation économique bien pire que celle connue actuellement par la Grèce et en a fait l’une des plus grandes puissances économiques mondiales).

Bref, la malédiction de 2016 continue d’infecter toutes les choses qui me sont chères. Actuellement dans un processus de revente de ma maison en vue de changer d’air, voire de pays, London était l’une des trois destinations possibles de mon exil. L’avantage, c’est que maintenant je n’ai plus qu’à choisir entre deux…
Une petite pensée émue pour tous mes ami(e)s de l’autre côté de la Manche qui ont probablement, aujourd’hui, une boule au ventre encore plus grosse que la mienne…

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La citation du jour: « J’aime pas les gamins »
La chanson du jour: Changing of the Guards, Bob Dylan, « But Eden is burning, either brace yourself for elimination or else your hearts must have the courage for the changing of the guards »

Même si je reste néanmoins amoureux de London, la vie est belle !